Le 27 mai 1960, la Turquie est le théâtre d'un coup d'État militaire organisé par un groupe d'officiers de l'armée turque, contre le gouvernement du Parti démocrate démocratiquement élu. Les instigateurs de ce coup d'État établirent le général Cemal Gürsel comme chef de l'État, Premier ministre et ministre de la Défense. La junte militaire redonna le pouvoir aux civils 17 mois plus tard, en octobre 1961.
Notre histoire se déroule entre cette période. L'homme à la tête de l'état, le président Cemal Gürsel, décide de montrer à son peuple le pouvoir du gouvernement à faire évoluer l'industrie Turc. Pour cela il exprime le 15 mai 1961 son désir de création d'une automobile domestique Turque lors de la réunion de l'Association des industriels et des hommes d'affaires turcs (TÜSİAD) et que cette automobile devra impérativement être présenter le jour de la fête de la République du 29 octobre 1961 (qui commémore la proclamation de la République turque du 29 octobre 1923). Elle sera ainsi la première voiture élaborée et fabriquée entièrement en Turquie.
Pour cela, il compose un groupe de 24 des meilleurs ingénieurs turcs issus de différentes compagnies. Impératif de la mission :
Il faut concevoir et produire le véhicule en 129 jours
Comme symbole, la marque s'appellera « Devrim » qui signifie « Révolution » en Turc et le modèle « Tecrübe » qui signifie « Expérience ».
Les travaux commencent immédiatement. L’atelier de traction des chemins de fer de l’État à Eskişehir est choisi comme lieu de travail.
En plus des 24 ingénieurs, près de 200 ouvriers ont participé au projet. Deux prototypes différents ont été créés afin que les caractéristiques de base et techniques du véhicule ne soient pas similaires à celles d'un autre véhicule, chacun avait un moteur spécifique.
Le temps presse à l'approche du Jour de la République. Les ingénieurs redouble d'effort et réussissent, à ce qui ressemble de relever de l'impossible, de partir passer de l'étape d'étude à l'étape réalisation d'un projet qui normalement prend des années à être réalisé.
Ils réalisent au total quatre prototypes : un noir et trois couleur crème. Cependant, que deux des voitures furent envoyées à Ankara pour les célébrations du Jour de la République, la noire et une crème. Le délai était de livraison était si cours que la voiture noire a été peinte durant le voyage en train jusqu'à Ankara. Aucun des véhicules n'avait d'essence dans le réservoir par mesure de précaution et on les remplissait avec juste assez d'essence pour les manœuvrer.
Le jour de la célébration, alors qu'une des voitures était prête pour le défilé autour du parlement turc, le président Cemal Gürsel, estima que la couleur crème n'était pas assez solennelle et demanda que celle-ci fut remplacée par la noire.
Après avoir roulé 100 mètres, l'automobile tombe en panne d'essence !
Le président a demandé alors ce qui s’était passé, le chauffeur (ingénieur) Rifat Serdaroghlu a répondu : Paşam, benzin bitdi (Pasam, l’essence est finie).
Le président Jemal Gursel a dû descendre de la voiture noire pour monter de nouveau dans la voiture crème qui avait à son bord assez d'essence pour finir le défilé jusqu'à l'Anıtkabir (mausolée d'Atatürk).
Le matin du 30 octobre, cet événement malheureux a créé des plaisanteries désagréables sur la voiture de la révolution, les tabloïdes titraient "100 mètres et elle s'est cassé". Cependant, aucune mention n'a été faite du passage du second véhicule à l'hippodrome le premier jour ou du fait que Cemal Gürsel s'est rendu à Anıtkabir avec un autre Devrim. En fait, toutes les nouvelles et discours à l'ordre du jour disaient consister à dire que ce projet a était une grosse perte financière, 1 400 000 lires ont été allouées au projet. De plus, ça a complètement jeté une ombre sur le succès des ingénieurs nationaux turcs.
Les "Devrim" n'ont pas été produits en masse malgré qu'ils soient considérés comme des "prototypes remarquables" en raison de politiques obscures. Sous la pression des constructeurs automobiles américains, aussi nommé les Big Three, le gouvernement turc se contraint à abandonner la production de Devrim. Depuis ce jours, un sentiment d'injustice fait à l'égard de Devrim règne au sein de la population turque.
Mais six ans plus tard, en 1966, Otosan (joint venture avec l'américain Ford et le turc Koç Holding) lança la première série de véhicules de tourisme sous la marque "Anadol". Bizarrement, les entrepreneurs de "Anadol" ont affirmés qu'il n'était pas possible de produire des automobiles en Turquie, avant l'apparition de la "Devrim".
Les deux prototypes qui n'ont pas fait le voyage furent détruits alors que la voiture crème du voyage a été montrée au public dans la rue Istiklal à Istanbul puis exposée dans l'usine TÜLOMSAŞ à Eskişehir où ils furent construits. Cependant on ne sait pas ce qui est advenu de la voiture noire tombée en panne d'essence, elle fût un temps exposée à la gare d’Ankara puis plus de nouvelle d'elle, elle n’a pas été retrouvée malgré tous les travaux et les recherches effectués.
Quoi qu'il en soit, personne ne pensait que les Turcs pouvaient construire leurs propres voitures avec moteurs. Malgré toutes les pensées négatives, le projet Devrim a bien été achevé en 129 jours.
Cette histoire reste tellement extraordinaire et controversée dans l'histoire de la Turquie, qu'un film relatant cette épopée est sorti dans les salles de cinéma en 2008 : 'Devrim Arabaları', réalisé par Tolga Örnek et produit par Türker Korkma.
Nous vous partageons ce film en version originale ci-dessous .
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