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Circuits touristiques automobiles en Algérie au XXe s.: chaîne hôtelière et éditions de guides

Le premier circuit touristique automobile officiel en Algérie date de 1839. Le duc d’Orléans, visite la province de Constantine. Dans les faits, c’est une vraie expédition militaire. Mais ce sont les artistes qui lancent la mode exotique. L’Algérie est le lieu de voyage à la mode. Écrivains et peintres viennent s’y ressourcer et beaucoup trouver l’inspiration. Dès 1832, Delacroix s’extasiait : «(…) il y a là, pour un peintre, un moment fascinant et d’étrange bonheur. C’est beau !»



Dès 1900, l’Algérie se classe parmi les premières destinations touristiques des Français de métropole et de nombreux étrangers : Britanniques (à Biskra), Belges, Suisses, Allemands, Scandinaves et Nord-Américains. L’Administration coloniale et des sociétés privées innovent en matière touristique en créant des syndicats d’initiatives – dès 1897 –, des parcs nationaux – 1923, bien avant la métropole –, des terrains de camping sur le modèle américain, des circuits automobiles inédits, des excursions spécialisées dans la chasse et la spéléologie, des raids automobiles et aériens au Sahara, des stations de sports d’hiver, d’un office de propagande international.


Très tôt, les infrastructures touristiques ont participé à l’essor de l’Algérie : modernisation des ports et des chemins de fer (réseau de 5.000 kms vers 1900), construction d’équipements hôteliers, de routes et pistes modernes, de garages automobiles et dépôts d’essence, puis d’aérodromes et de pistes d’aviation. Si le chemin de fer a contribué au développement d’un premier tourisme significatif (1890-1910), l’automobile et sa diffusion rapide à partir des années 1900 – rallyes, raids et croisières promotionnels – a accéléré cette évolution dans les années 1920. Les piliers administratifs de ce fait culturel et social ont été posés bien avant 1914 dans un cadre précis et original. En 1887, le Comité d’hivernage d’Algérie est créé à Alger. Sa mission : organiser le tourisme dans la «Nouvelle-France» dans la saison la moins chaude de l’année. Il est assisté de syndicats locaux qui se créent dans les autres grandes villes. Ce Comité d’hivernage est transformé en 1897 en Syndicat d’initiative. Il s’installe à l’Hôtel de Ville d’Alger. Il propose notamment des excursions en automobiles à prix forfaitaires, avec guides et hôtels, de toutes les régions pittoresques de la colonie et la visite des principaux sites antiques : Cherchel, Djemila/Cuicil, Hippone/Annaba, Lambèse, Tébessa, Timgad, Tipasa. En avril et mai, il organise des caravanes de propagande qui sillonnent la colonie.



Des infrastructures pionnières sortent de terre : gîtes d’étapes, auberges et hôtels de luxe, construits ou aménagés sur les sites et les villes les plus visités. Jusqu’en 1914, le voyage en Algérie se présente comme un périple compliqué, en raison notamment de l’absence de moyens de transport efficace sur place. De 1911 à 1919, son successeur, Charles Lutaud, poursuit l’œuvre engagée ; ce diplomate éclairé encourage les transports : constructions de lignes ferroviaires et de routes pour automobiles. La voiture pénètre le nord de la colonie et prend vite sa place à côté du chemin de fer.



La grande route Alger-Casablanca est inaugurée en octobre 1920. Elle a son pendant vers Constantine, par Bougie, et vers Tunis.

Les années 1920 marqueront néanmoins le début du déclin du tourisme aristocratique. Mais des activités comme la chasse, la spéléologie, les sports d’hiver redonnent vitalité aux voyages. Plus encore, les années folles sont celles d’un tourisme originale et pionnier : le voyage au Sahara. Réservées à une élite et aux aventuriers en tout genre, les premières excursions dans le désert ne seront rendues possibles que par les actions conjuguées des militaires et des industriels.

Après 1918, le projet d’une liaison sûre et rapide entre la métropole et l’Afrique Équatoriale séduit coloniaux et industriels. Ce projet stratégique trouve un écho favorable chez les militaires et scientifiques. Pour beaucoup, l’automobile, transport rapide et sans grand danger, rendrait plus facile et abordable la traversée du Sahara.

En 1920, le nombre d’automobiles en Algérie est estimé à 10.000 ; dix ans plus tard, il est évalué à 60.000, soit un véhicule pour 100 habitants. La population de la colonie est alors de 700.000 Français, 200.000 étrangers et 5,1 millions d’autochtones. Les propriétaires de voitures sont presque uniquement des Européens ; dès lors la proportion est plus importante : une automobile pour près de 15 habitants !

La traversée du Sahara a été tentée par de hardis explorateurs mais les nombreux échecs ont laissé des traces noires dans les mémoires. La révolution automobile va modifier la donne.

En 1922-1923, le raid des autochenilles Citroën – mission Hardt-Audoin-Dubreuil – reliant Touggourt en Algérie à Bourem sur le Niger, est réalisé en 22 jours, sans incident. Cette expédition pousse jusqu’à Tombouctou avec retour par le même itinéraire. En janvier 1924, le fameux raid des six roues jumelées Renault, ou mission dite « Gradis », longue de 2.000 kilomètres, est réalisé en six jours ; ce raid est reconduit en novembre 1924. Le constructeur automobile André Citroën et l’industriel explorateur GeorgesMarie Haardt voient plus grand avec le périple de la Croisière noire (1924-1925).

Les raids Citroën et Renault passionnent le grand public, et le Sahara entre dans chaque foyer français. L’automobile participe à l’expansion du tourisme dans des contrées hostiles qui font néanmoins rêver. Les premières éditions de guides automobiles sont de vrais succès


S.V.H.N.A. (SOCIÉTÉ DES VOYAGES ET HOTELS NORD-AFRICAINS filiale de la Cie générale transatlantique -lire notre article-)


À Alger d’abord et à Biskra ensuite, s’ouvrent des hôtels de luxe pour accueillir cette clientèle fortunée. Les compagnies maritimes saisissent très rapidement l’opportunité de lui offrir également des voyages clés en main appelés voyages circulaires, comprenant les réservations des moyens de transport (bateaux, trains, voitures, chevaux et même chameaux) et des lieux d’hébergement dès les années 1880. La Compagnie générale transatlantique (ou Transat), qui assurait par ailleurs les liaisons entre la métropole et les colonies du Maghreb, se distingue en la matière.

On connaît le principe de cette innovation : conjuguer étroitement le transport (par mer et par terre) et l’hôtellerie ; réunir sous une seule et même direction deux éléments de la vie touristique jusque-là séparés, parfois antagonistes, le beau voyage et le bon gîte. Conquérir politiquement un pays nouveau, c’est prolonger la route et le rail. Le conquérir touristiquement, c’est pousser devant soi l’hôtel, le bungalow, le bordj, selon les cas, et enlever aux visiteurs jusqu’au moindre de ces soucis prosaïques qui gâtent parfois la plus belle journée du voyage

La clientèle visée est essentiellement étrangère, anglaise ou américaine surtout. Afin de lui fournir des établissements pourvus de tout le luxe requis, la Transat fonde la Société des Voyages et des Hôtels Nord-Africains en 1925.


La Compagnie Générale Transatlantique est une véritable pionnière dans le domaine du tourisme nord-africain. Dès 1919, le président de la Compagnie John Dal Piaz est à l’origine des premiers Auto-Circuits Nord-Africains. Une initiative parachevée par la création de la Société des Voyages et Hôtels Nord-Africains (SVHNA) en 1925.



Ce projet touristique novateur vise alors à développer l’exploitation des lignes de la Transat en Afrique du Nord, en donnant la possibilité de parcourir en automobile les territoires d’Algérie, du Maroc et de Tunisie. En 1928, la Société des Voyages et Hôtels Nord-Africains comptabilise 44 hôtels, 1 400 chambres et 285 voitures parcourant plus d’un million de kilomètres par an !



Les touristes roulent vers le sud et le premier Code de la route sur les routes sahariennes doit être promulgué en 1924. L’automobile dompte le Sahara et ses pistes. S’organisent alors les premiers services réguliers. En 1923, Gaston Gradis fonde la Compagnie générale transsaharienne (CGT). De 1924 à 1926, la CGT délimite la route directe Reggane à Gao, qui évite la traversée de toute région accidentée ou d’ergs de sable mou.

En 1926, la route est équipée sur toute sa longueur. L’année suivante, la CGT organise le premier service régulier transsaharien automobile sur le parcours Colomb-Béchar-Reggan-Gao.

À l’été 1926, une entente est conclue entre la Compagnie Générale Transatlantique et la Compagnie du PLM, représentée en Algérie par la maison Catelan, avec l’appui du Gouvernement général de l’Algérie. Il s’agit d’organiser « de manière économique » le tourisme au Sahara. Désormais, la Compagnie Générale Transatlantique propose à ses clients les premiers circuits touristiques du Grand-Erg occidental, sur six roues Renault, organisés et animés par les militaires et pilotes d’avion comme Max de Lafargue.

Des hôtels et des relais sahariens très confortables sont installés de Beni-Abbès à El-Oued, en passant par Timimoun, El-Goléa, Ghardaïa, Ouargla et Touggourt. Simultanément, à Touggourt, la société Deviq met en place en 1925 une organisation de pénétration automobile en direction de Flatters, Polignac et Djanet en utilisant des camions Berliet. Enfin, le Génie militaire déploie tout un réseau de pistes bien balisées et parfois bitumées en direction des grands axes de pénétration du Hoggar, de l’Aïr et des Ajjers. Dans la mise en œuvre d’une première offre touristique au Sahara, les militaires tiennent un rôle stratégique, notamment en matière de sécurisation des voies de pénétration et des lieux de villégiature.

En août 1927 est fondée la Société des Amis du Sahara domiciliée au Secrétariat général du Gouvernement général d’Algérie, à la Direction des Territoires du Sud, à Alger. Elle octroie à ses membres qui voyagent au Sahara et au Soudan des privilèges et des réductions sur les prix de transport et d’hôtellerie. On y adhère moyennant le versement d’une cotisation annuelle. Le tourisme saharien connaît un premier couronnement avec les fêtes du centenaire de l’Algérie en 1930. Le gouverneur général de l’Algérie, Pierre Bordes (1870-1943), qui a succédé au gouverneur Maurice Viollette (1870-1960) en 1927, encourage toutes les initiatives propres à accroître la vogue du tourisme en Algérie, notamment il redouble d’attention pour promotionner son décollage au Sahara.

Plus tard, en 1933, sous l’impulsion de l’aviateur et chef d’entreprise Georges Etienne (1896-1969) et du capitaine Wauthier (grand aviateur), sera fondée la Société algérienne des transports tropicaux (SATT). Elle s’équipe de véhicules Renault pour les voyageurs et de gros camions pour les marchandises et les transports de troupes. Peu après, elle est assistée par des avions pour le tourisme et les affaires13. La SATT exploitera le Sahara jusqu’aux rives du Niger, de Colomb Béchar à Gao, en passant par Reggane et Tabankor. Puis de Gao, la société tente de gagner Fort-Lamy en construisant une puissante vedette, transportant les voitures sur le lac Tchad.

C’est la ligne la plus longue du monde.

Pendant ce temps sont publiés les premiers guides touristiques sur le sujet. En 1923, le général Bonneval signe une notice sur le tourisme saharien. Depuis 1914, le Touring-Club de France a édité des plaquettes touristiques, brochures et livres sur les oasis et a publié des monographies sur Touggourt et Laghouat.



Les guides Hachette et Dunlop présentent en détail le voyage au Sahara. En 1927, l’officier méhariste et écrivain ethnologue Léon Lehuraux signe le premier guide digne de ce nom – le Sahara algérien – qui présente les principaux itinéraires de découverte. Mais c’est en 1931 que la Société d’Éditions géographiques, maritimes et coloniales publie le premier vrai guide pratique touristique du Sahara, sous la direction du général Meynier, directeur des Territoires du Sud, et du capitaine Nabal, responsable du Service des affaires indigènes militaires. Au début des années 1930, «le pneu a triomphé du désert». Le Sahara est devenu « terre d’élection du tourisme automobile et aérien ». Ce tourisme d’aventure connaîtra son apogée après 1945 avec le premier circuit des oasis en 1947 et la première randonnée-camping du Hoggar en 1948. Plus de 3.000 voyageurs y prendront part entre 1948 et 1960. Les fameuses pistes et routes sahariennes, aménagées dans un premier temps pour les voyageurs intrépides, tiendront à partir des années 1950 un rôle aussi stratégique qu’économique et militaire.



Quelques dates Clés


  • En 1918 née l’idée de créer des « Auto-circuits Nord-Africains ».

  • En 1919-1920 sont créés les hôtels Transatlantique et les Auto-Circuits.

  • En 1925, création de la Société des Voyages et Hôtels Nord-Africains.

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