Bugatti était la marque à avoir dans les années 30. Fondée en 1909 par l'industriel franco-italien Ettore Bugatti, elle a bâti son succès sur l'audace de ses constructeurs et les performances sportives de ses voitures de course. L’entreprise est longtemps considérée comme pionnière dans le domaine de l’automobile et produit de luxueuses sportives de prestige marquées par l’adage cher à Ettore :« Rien n’est trop beau, rien n’est trop cher ».
En 1930, Jean Bugatti, fils d’Ettore Bugatti, commence à moderniser la stratégie produit de la marque de luxe. Plutôt que de fabriquer plusieurs modèles, il décide de créer un modèle de base à partir duquel seront dérivées différentes variantes. C’est ainsi que Jean Bugatti conçoit la Type 57, une voiture imaginée à la fois comme un modèle de série et une voiture de course : en somme, la Grand Tourisme ultime. Plusieurs variantes de motorisation et de carrosserie verront le jour, telles que la Galibier (berline à quatre portes), la Stelvio (cabriolet), la Ventoux (deux-portes) et l’Atalante (coupé). Entre 1934 et 1940, année de fin de la production du modèle, quelque 800 exemplaires des différentes versions de la Type 57 quittent les ateliers de la marque.
Un des modèles des plus iconique de la marque, le prototype Aérolithe (signifiant météorite), exemplaire unique selon la version officielle de Bugatti et de deux selon les versions d'historiens vu leurs présentations simultanées au salon de Paris et celui de Londres au mois d'octobre, elle est également appelée Coupé Special ou Coupé Aéro, est à elle toute seule un exploit technologique, qui sur son châssis numéro 57 104, son concepteur Jean Bugatti a eut recours à l’elektron, un alliage de magnésium et d’aluminium issu de l’industrie aéronautique. L’elektron se compose à 90 % de magnésium et à 10 % d’aluminium. Léger et résistant, il est néanmoins difficile à utiliser, car il ne peut être soudé. C’est la raison pour laquelle Jean Bugatti a riveté avec 1 200 rivets les panneaux de carrosserie au moyen de la fameuse crête.
Ce fut une étude stylistique et aérodynamique au design et matériaux très avant-gardistes pour l'époque, inspiré de science-fiction et du mouvement artistique Art déco très en vogue d'alors. Coté moteur, un huit cylindres en ligne de 3.3 de cylindrée portant sa puissance à environ 200 ch , permettant au splendide coupé d’atteindre une vitesse de pointe de plus de 200 km/h (Consommation, l/100 km : urbain 35,2 / extra urbain : 15,2 / mixte : 22,5 ; émissions de CO2 cycle mixte, g/km : 516). Rappelons que nous sommes ici dans les années 30. L'Aérolithe est présenté en 1935 aux salon de l'automobile de Paris et salon de l'automobile de Londres, avec un succès médiatique mondiale retentissant.
De ce prototype, Bugatti sort entre 1936 et 1938 4 exemplaires de série : la Type 57 SC Atlantic. Mais ces modèles furent construits avec un aluminium ordinaire. Chacun de ses exemplaires fut peints d'une couleur différente et se distingue par quelques détails, parfois subtils, qui permettent aux amateurs de les distinguer au premier coup d’œil.
Malgré ses prouesses techniques et de l'image qui s'en dégage, le prototype Aérolithe et les Atlantic Coupés n'ont pas pu trouver de clients a cette époque. Ils servirent de voitures d'expositions.
Parmi ses exemplaires, seule une sera vraiment désirée par Jean Bugatti, c'est la seconde Type 57 SC Atlantic a être produite, le châssis 57 453 de livrée noire, d'où sont nom de la ''Voiture Noire''. Elle était dotée d’un pare-chocs avant et de portes plus basses, l'absence de filets chromés sur les grosses ouïes d'aération latérales du capot, l'ajout d'une petite trappe d'aération sur les vitres (toujours fixes), et la présence d'un imposant « sabot d'aile » chromé à l'arrière. Elle fut mise en vedette sur les photographies des brochures et dans les salons internationaux, notamment à Lyon et Nice et elle servira même à l'établissement de plusieurs records du Monde à Montlhéry, toujours avec Benoist.
Ainsi, cet exemplaire qui devait être destiné à Jean Bugatti connaîtra un tout autre destin. En effet, avec les prémisses de la seconde guerre mondiale, cet exemplaire qui faisait les grandes apparitions, disparaît tout simplement à tout jamais sans laisser de trace. Nul ne sait si le coupé noir fut détruit au moment de l'invasion de l'Alsace par les troupes allemandes ou bien s'il dort dans le secret d'une grange, quelque part en Sibérie. Une chose est sûre : au moment où l'histoire perd sa trace, la Bugatti de Jean devait être expédiée vers une région plus sûre par train de Molsheim à Bordeaux. Depuis, plus personne n'en entendra parler d'elle. Certains disent qu'elle a disparu pendant son transport, d'autres disent quelle ne prendra jamais ce train.
Quoi qu'il en soit, ce qui reste l'un des grands mystères de l'histoire de l'automobile réveille évidemment de vieux fantasmes que de la voir un jour réapparaître. Sa valeur estimée est de plus de 100 millions de dollars, de quoi faire fantasmer d'avantage.
Pour épaissir encore plus ce mystère, en fin d'article, nous vous livrons un supplément d'informations à travers de deux autres thèses, émis par des historiens de la marque, de ce que serai devenue cette voiture.
Les trois exemplaires restants du modèle Atlantic trouvent les acquéreurs suivants :
En 1936, Bugatti construisit la première Bugatti Type 57 SC Atlantic pour le banquier britannique Victor Rothschild. Ce modèle était alors dépourvu de compresseur et arborait une livrée bleu gris. L’Atlantic de Victor Rothschild est aujourd’hui connue sous son numéro de châssis : 57 374.
Victor Rotschild l'a ramènera à l'usine en 1939, pour quelques modifications, dont l'adjonction d'un compresseur (elle devient alors 57 SC), de deux trappes d'aération devant le tablier, et de vitres pivotantes dans la partie avant. Il faut dire que l'Atlantic est très mal ventilée et que, faute d'air et d'évacuation de celui-ci, l'habitacle devient un four lorsqu'il fait chaud !Après la guerre, la voiture est vendue à un citoyen américain, Robert Oliver, et un passage chez le carrossier Motto l'affuble de curieux caches des passages de roues à la base convexe, et de quelques « ornements » chromés, dont un double pare-chocs et des flasques de roues très voyants. Sa teinte bleue pastel vire au rouge vif, ce qui n'est pas du meilleur goût. On la retrouve plus tard, après un passage chez Briggs Cunningham, propriété de Peter Williamson, alors président de l'American Bugatti Club. Lorsque son actuel propriétaire, Peter Mullin, en fait l'acquisition, il lui fait subir une restauration complète, en respectant scrupuleusement les caractéristiques de la voiture telle qu'elle a quitté Molsheim en septembre 1936. A l'exception de la disgracieuse flèche de direction montée à l'époque, pour répondre à la réglementation anglaise, que Peter Mullin n'a pas jugé utile de conserver !
Le troisième exemplaire fabriqué par Bugatti, frappé du numéro 57 473, fut livré au Français Jacques Holzschuh en octobre de la même année. Le deuxième propriétaire du coupé, un collectionneur, se retrouva piégé sur un passage à niveau avec son Atlantic : il périt dans l’accident et la voiture fut complètement détruite. Plusieurs dizaines d’années plus tard, elle fut entièrement restaurée, bien que le moteur fût perdu dans l’accident.
Le dernier modèle Atlantic construit est actuellement la propriété du créateur de mode Ralph Lauren. Doté du numéro de châssis 57 591, cet exemplaire construit en mai 1938 fut initialement livré au Britannique R.B. Pope. Elle est actuellement propriété de la Collection automobile de Ralph Lauren. À l'origine à bleu, elle a été repeinte en ... Noire.
La "Voiture Noire" fut la seconde à être répertorié, mais elle fut construite en même temps que celui destiné à Victor Rotschild, il serait sorti des ateliers de Molsheim en octobre 1936, ce qui est peu probable, sa date de sortie se situant sans doute un peu avant, il ne pas toujours se fier à la chronologie des N° de châssis. Cet exemplaire est abondement mise à contribution pour une série de séances photographiques.
Pour ajouter au mystère de la ''Voiture Noire'' que certains appel le ''Mystère du Pacifique'', on vous ajoute les deux thèses avancées sur son histoire.
- La première, celle de Paul Badré : milite en faveur d'une filiation directe entre le châssis 57453 « usine » et le modèle répertorié 57473, propriété de Jacques Holzshuh en décembre 1937, et la seconde plaide en faveur de deux véhicules différents, émise par Pierre-Yves Laugier et Christian Huet, avec quelques nuances que nous laisserons de côté. Paul Badré : pour lui, l'Atlantic 57453, après avoir servi de modèle pour les photos du catalogue, est vendue, citons : « à un acheteur dont on ne sait à peu près rien, sinon que l'on relève son nom dans le registre de l'usine à propos d'un Type 44. On hésite même sur l'orthographe exacte de son nom qui doit s'écrire Holzshuh qui est typiquement alsacien et signifie « sabotier ». En dehors de toute l'estime et la sympathie qu'il mérite pour avoir osé jouer les Siegfried du dragon à crêtes rivetées, il s'agit à l'évidence du personnage le plus épisodique et le plus effacé de l'histoire de l'Atlantic ». Pour Badré, la voiture revient à l'usine au bout de quelques mois, et son destin se confond alors avec celui qu'évoquent P.Y.Laugier et Christian Huet, à la notable exception que l'auto ne disparaît pas corps et bien, et qu'elle est vendue en 1938, par l'intermédiaire de l'agent local Ernest Friderich, à un garagiste et pilote amateur de Nice, nommé Pierre Boncompagni. Et là, la saga de la 57453 rejoint celle de 57473, qui serait donc une seule et unique voiture.
Pour Paul Badré, pas de doute : la seconde Atlantic et la troisième, ex-Holzshuh, ne font qu'une, preuve à ses yeux qu'il n'existera que trois modèles d'Atlantic.
- La deuxième thèse, celle de Christian Huet : qui, selon lui, l'auto reste à l'usine, et sera utilisée par William Grover, qui prend, à Nancy, une superbe photo de Mme Grover, de ses « scottish terriers » et de l'Atlantic « 5800 NV 3 » devant les grilles de la Place Stanislas. Robert Benoist la conduira à un salon d'exposition à Nice. « La belle Bugatti noire, écrit-il, disparaît pendant la seconde guerre mondiale ». Pour lui, aucun doute : la 57473 ex-Holzshuh poursuit sa carrière d'Atlantic N°3, et n'a rien à voir avec cette 57453, dont on perd définitivement la trace. Pierre-Yves Laugier : sa théorie rejoint, pour l'essentiel, celle de Christian Huet. Sortie de l'atelier en septembre ou octobre 1936, l'Atlantic noire est photographiée sur les routes d'Alsace et dans le parc du Château Saint Jean, pour figurer sur le catalogue 1937. 57453 est aussi le coupé immortalisé par William Grover, Place Stanislas à Nancy, et par le magazine « Sport Canin », sur la couverture duquel il figure aussi avec Mme Yvonne Grover et ses « scottish terrier ». Voiture de service de Molsheim (c'est autre chose qu'une vulgaire Mercedes de société, non?), l'Atlantic est régulièrement utilisé par Jean Bugatti et Robert Benoist. En 1939, la voiture reçoit une calandre en faux nid d'abeille, et est immatriculée « 152 NV 4 ». Pourquoi, au demeurant, nous permettrons-nous de demander, puisque l'auto ne change a priori ni de département, ni de propriétaire ? Accompagnant la famille Bugatti dans son exode vers Bordeaux, en compagnie de quelques autres modèles dont, peut-être, le Type 41 « Royale » du Patron, l'Atlantic N°2 est remisée dans un hangar, d'où elle disparaît en 1941. Ce qui n'empêche pas une plaque de châssis « 57453 » de figurer, en 1951, sur l'auvent du châssis du coach Bugatti Type 101, carrossé par Gangloff , exposé au Salon de Paris 1951, et aujourd'hui conservé au Musée de l'Automobile de Mulhouse …. Châssis identique à celui du Type 57, on s'en souviendra. Comme on le voit, châssis N°2 ou châssis N°2 PUIS N°3, l'Atlantic « 57453 » n'a pas livré tous ses secrets !
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