Jean-Claude Bertrand le concepteur de Rallye
L'idée de ces grands rallyes Raid africains (il existait déjà des rallyes africains mais leurs ampleurs restaient locales) vient de Jean-Claude Bertrand, un personnage haut en couleur et pétri de passion.
Ce nom vous dis peut être rien, mais il est à l'initiative de la création des plus grands rallyes africains.
Déjà à l'âge de 16 ans il se retrouve au volant d’un vieux camion Dodge à transporter les bananes de la plantation familiale tout en se passionnant pour l’herpétologie. Il agrémente ses activités de planteur et son commerce de café, de cacao et de l’igname en pays Lobi par la chasse aux crocodiles et l’élevage des serpents.
C’était la belle époque. Il y avait peu d’étrangers en Côte d’Ivoire, tout le monde se connaissait et certains planteurs et autres forestiers se lançaient des défis de rapidité à bord des pick-up de l’époque – GMC ou Chevrolet – sur les pistes défoncées de la brousse.
Le virus de la vitesse trouve un terrain fertile chez Jean-Claude qui décide d’aller voir ce qui se passe ailleurs dans le domaine de la compétition. Il participe alors en tant qu’amateur à la quasi-totalité des grands rallies européens de l’époque.
Il crée le premier grand Rallye africain, le Bandama, du nom du fleuve qui traverse la Côte d'Ivoire du nord au sud.
Le Rallye du Bandama Marathon de Côte d'Ivoire
1ére édition 1969
En 1969, poussé par de nombreux autres passionnés, il décide de créer le premier « Rallye International du Bandama ». Se servant de ses relations européennes dans le milieu sportif, il convainc ses copains, les grands pilotes d’alors, qu’il a un très grand plateau de presse… et les journalistes qu’il a un énorme plateau de pilotes ! Tout le monde y croit et il annonce qu’il organise le rallye le plus beau et le plus dur du monde !
Le 1er Rallye International du Bandama qui s'est déroulé les 6 & 7 décembre 1969 a vu la victoire de l'équipage M. et Mme Gérenthon sur R8 Gordini.
C'est avec un très vif plaisir que tous les sportifs accueillirent la victoire méritée de cet équipage chevronné qui avait parfaitement saisi le côté régularité de ce Rallye. Cinquante-huit concurrents y étaient engagés.
Il y eut : 35 voitures en Groupe I, 9 voitures en Groupe II, 8 voitures en Groupe III, 4 voitures en groupe IV et V. C'est ainsi que 58 concurrents, tous pilotes expérimentés s'étaient d'abord retrouvés il y a huit jours à l'Hôtel Ivoire pour tirer au sort leur numéro du départ, l'ambiance était des plus sportive.
Une série d'épreuves les attendaient :
Des secteurs de liaisons (Abidjan - Yamoussoukro ; Yamoussoukro - Bouaké - Abidjan) soit une distance de 1115 Km ; et des épreuves annexes de classement : moyenne chronométrée, accélération de 1 Km à Abidjan, course de vitesse de 1800 m sur circuit du Port d'Abidjan, épreuve d'accélération de 400 m au départ de Yamoussoukro, une épreuve de vitesse de 500 m sur le circuit du karting de Bouaké, enfin une épreuve de maniabilité à Abidjan.
Certes ce premier Rallye du Bandama ne fut pas un marathon ; néanmoins l'esprit africain des épreuves mit en évidence des équipages efficaces et résistants, dignes de figurer au palmarès international.
Il servit en outre de banc d'essais, permettant de dégager une formule plus intéressante pour l'avenir.
La deuxième édition en 1970
28 partants, 5 classés.
1er Schuller sur Datsun 1600 SSS, 2e Spinelli sur Toyota 1900 SL, 3e Reignien sur Renault 16 TS, 4e Cerf au volant d'une Renault 16 TS et 5e Saucet sur Toyota 1900 SL.
3é édition de 1971
La présence de rallymen européens comme Bob Neyret donne au rallye sa notoriété internationale. Bob Neyret, Jacques Terramorsi, Claudine Trautmann et Marie-Odile Desvignes ont quitté Abidjan couverts de lauriers, et après avoir assuré les organisateurs du 3e Bandama de leur participation pour la quatrième édition de cette belle épreuve.
Tous ont, en effet, été enthousiasmés par la variété et la difficulté du parcours sur 2 650 km de pistes, par l'opposition aussi qui leur fut offerte, des pilotes locaux se montrant particulièrement à l'aise sur leur terrain.
Ces normes, comparables à celles des rallyes internationaux les plus difficiles ont soumis hommes et mécaniques à rude épreuve. Sur 35 voitures au départ, 9 seulement purent franchir la ligne d'arrivée.
Cette véritable hécatombe a vu la mise hors-compétition de toutes les voitures étrangères, à l'exception d'une Datsun 240 Z qui avait été tellement modifiée que PREMOTO, importateur de la marque, avait exigé le retrait du sigle -DATSUN-
Une victoire de Peugeot:
On peu donc considérer ce rallye comme une victoire incontestable des marques françaises (Peugeot - Renault - Simca) et plus particulièrement de Peugeot qui place 75% de ses véhicules dans une épreuve ayant eu 75% de déchets.
4é édition de 1972
Ce rallye est très beau, mais aussi très, très dur ; si dur qu’il n’y a personne à l’arrivée en 1972 !...
Alors que l’épreuve est désormais installée et viable, attirant de généreux sponsors, la liste des engagés est de très haute volée. Larrousse, Jabouille, Beltoise, Mehta, ou encore Bob Nevret vainqueur l’année précédente pour ne citer que les plus connus. Le parcours de 4000 km doit se faire d’une traite à la moyenne imposée de 100km/h. Engagé sur une Chrysler, Pescarolo témoigne de la difficulté à tenir ce rythme infernal : « Si vous roulez avec une prudence relative, vous êtes très vite hors délai. Il faut ouvrir en grand et exiger de la voiture des efforts abominables sur les pistes défoncées de la brousse ». C’est une course contre la montre et contre les éléments. La principale difficulté, si on met de coté l’air brûlant et la nature pour le moins hostile du terrain, c’est la poussière. Une course de côte faisant office de prologue est organisée afin de définir l’ordre de départ. Neyret, en habitué, signe le meilleur temps sur son proto DS 23 développant 170 chevaux. La course est lancée de nuit, sur une route près d’Abidjan. Au terme de la première étape, au pointage d’Abengourou, seuls 9 équipages sont dans les temps.Après 1000 km d’enfer, il reste 4 équipages professionnels encore dans les délais. Après avoir essayé de regrouper un maximum de concurrents à Abidjan pour compter les survivants et les pénalités, la caravane infernale doit désormais reprendre sa course folle vers le nord. Ceux qui pensaient avoir fait le plus dur seront servis. Il s’agit cette fois de franchir un tronçon taillé à la machette dans 40 km de forêt vierge. Chez Renault, l’inexpérience a poussé à charger les voitures de pièces et de renforts en tous genre. Louable idée mais dramatique pour la performance. Les pilote compensent par la prise de risque, rentrant dans un cercle vicieux assez vite fatal. L’arrivée est encore très loin quand Neyret qui conduit depuis 48 heures sans sommeil commet une erreur. Sa DS est patiemment réparée par son équipier mais ils arriveront trop tard. C’est un duel qui décidera du vainqueur . Il ne reste que deux équipages en course. Mehta va affronter un équipage Fall/Flocon qui dispose d’une Peugeot miraculeusement bien conservée.
L’orage déverse des tonnes d’eau, Mehta se trouve rapidement enlisé dans une boue dont il ne sortira pas. Fall, dépassant son malheureux adversaire comprend qu’il a encore une chance de gagner ce rallye dont il est l’unique survivant. Quand l’équipage arrive devant la station d’essence faisant office de contrôle de passage c’est la désillusion. Les commissaires sont partis et l’endroit est désert. Il est décidé au bout de 2500 km de cauchemar qu’aucun classement ne sera établit. Les prix promis sont reportés à l’année suivante faisant monter la dotation pour 1973 à 25 millions de francs et une remise de prix symbolique est organisée au bord de la piscine de l’hôtel. L’équipe Peugeot, vexée n’y participera pas, peu importe le Bandama est entré dans la légende. L’épreuve était plus forte que les hommes.
Le parcours a été délibérément conçu pour faire payer un lourd tribut à la fois à l’homme et à la machine, et les coureurs ont également été exposés à d’autres dangers. Notamment, ceux qui connaissent bien la région auraient dit à quelques-uns des concurrents que tomber en panne près de la frontière avec le Ghana pourrait être une expérience mortelle.
« Lorsqu’un chef de tribu meurt, les membres de la tribu doivent rassembler sept têtes humaines afin d’éloigner les mauvais esprits. Ils partent à la chasse dès la tombée de la nuit », avertissaient les riverains, selon un numéro de février 1973 du magazine français Sport Auto.
5é édition de 1973
Sur le moment personne n’y croit, mais l’année suivante, ils sont tous là et il y en a… sept à l’arrivée, dont le premier ramasse le plus gros chèque jamais donné dans un rallye.
Parallèlement au «Bandama» il participe, entre autres, à une très belle épreuve du moment : le rallye du Maroc (9 participations en tout). Pour ce faire il part d’Abidjan par la piste avec des R16 Renault et autres Datsun 240 Z, monte au Maroc, participe au rallye… et redescend à la maison.
1974, le ''Bandama'' donne naissance au "Côte-Côte"
En 1974 certains pilotes du «Bandama», plus aventuriers que les autres, demande à Jean-Claude BERTRAND de rentrer en France avec eux par la piste. Il se laisse volontiers convaincre et, après avoir contacté l’Automobile Club de Monaco, il met sur pied une aventure plus ou moins organisée. En effet, les premiers arrivés à l’étape prennent les temps des suivants et le dernier à partir donne les départ. Le vrai folklore !...
Dénommé « Superconcentration Bandama – Monte-Carlo », il s’agissait de se rendre, en compétition, d’Abidjan à Monaco pour prendre, avec les mêmes voitures, le départ du Rallye de Monte-Carlo. Une idée folle et des souvenirs inoubliables, mais catastrophe ! Le Monte-Carlo est annulé (premier choc pétrolier). La déception est vite oubliée après une arrivée en fanfare dans la Principauté, sous les acclamations des Monégasques, frustrés de l’annulation de leur épreuve… et c’est la naissance du Côte-Côte !
1975 : prélude du Rallye Dakar
C’est au vu de ce succès et de l’enthousiasme généré par cette discrète mais passionnante première que Bertrand décide, en 1975, après la fin du «Bandama», de créer le premier «Côte d’Ivoire – Côte d’Azur» dont le principe était simple :
« Ouvert à n’importe qui… sur n’importe quoi ! »
Cette grande première était vraiment l’aventure avec un grand A, aussi bien pour les concurrents que pour l’organisateur. Un rallye très éprouvant, surtout pour les véhicules à deux roues motrices, car Bertrand, fidèle à ses idées, avait choisi un parcours très dur, des étapes interminables et le premier «départ en ligne» de l’histoire des rallies. A l’époque, il n’y avait pas de goudron, pas d’hélicoptère, pas de GPS. C’était un exploit d’être à l’arrivée, mais que de sublimes souvenirs pour tous les participants.
Ainsi, la première édition de ce rallye officiellement nommé "Côte-Côte" part d'Abidjan, la capitale ivoirienne de l'époque, le 25 décembre 1975 et entraîne la centaine d'aventuriers dans un périple de huit étapes. Quelque 8.500 km d'aventures à travers la Côte d'Ivoire, la Haute-Volta (actuel Burkina Faso), le Niger, l'Algérie, le Maroc. Après une traversée de la Méditerranée en bateau, les concurrents feront un dernier bout de chemin en Espagne avant de rallier la Côte d'Azur.
L'arrivée est jugée à Nice, sur la Prom', le 7 janvier 1976.
Une seconde édition aura lieu l'hiver suivant de ce raid qu'on appelait alors le "Côte-Côte", ou encore "l'Abidjan-Nice".
Et Thierry Sabine se perdit...
En 1977, lors de la seconde édition, un concurrent se perd en moto pendant trois jours et deux nuits dans le désert de Libye.
Sauvé de justesse, il rentre en France conquis par la beauté du Sahara. Il imagine alors un tracé partant d'Europe pour traverser ces immensités de sable jusqu'à la capitale du Sénégal.
Ce motard, c'est l'aventurier Thierry Sabine. Et quelques mois plus tard, le 26 décembre 1978, le premier Paris-Dakar quitte la place du Trocadéro.
L'audace et la passion transmise par Jean-Claude Bertrand donne naissance au légendaire Rallye Dakar
De son côté, le Rallye Côte-Côte original connaîtra trois éditions successives, toutes aussi épiques les unes que les autres.
Parallèlement, Jean-Claude Bertrand est sur tous les fronts : Le «Bandama» est inscrit au calendrier du Championnat du monde, il lance les «Rallies 5/5» (chaque année un Rallye, sur chacun des 5 continents, pendant 5 ans), le «Rallye Tour du Maroc», un rallye en Islande et, chaque année pendant huit ans, organise le «Rallye d’Algérie».
Les autres éditions du ''Bandama'' et "Côte-Côte'' de 1978 à maintenant
Le Rallye du Bandama Marathon de Côte d'Ivoire (RCIB) continue d'être disputé annuellement et fut incorporé au Championnat du monde des rallyes de 1978 à 1992.
L'édition historique en 2007, Jean-Claude Bertrand envisageait un rallye historique pour le 30e anniversaire de la première édition du "Côte-Côte", en 2006. Mais à l'automne 2005, lors d'un voyage de reconnaissance du parcours, l'amoureux des grands espaces décède subitement d'une crise cardiaque, sans avoir pu concrétiser son rêve.
Le rallye Historique "Côte-Côte" aura tout de même lieu, en février 2007. Pas tout à fait sur le même tracé puisqu'il est parti de Lomé, la capitale du Togo, pour arriver à Saint-Tropez.
A compter de cette édition 2012 sera remis lors de chaque édition du Bandama un trophée spécial récompensant l'équipage Ivoirien jugé le plus combatif, courageux et humble, à l'image de leurs aînés ces derniers devront se montrer dignes de ces valeurs et remettront personnellement le trophée l'année suivante aux nouveaux lauréats.
En 2024, on est à la 50éme éditions Rallye Côte d’Ivoire - Bandama
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